Vendredi 3 mars, Nicolas Huchet a été invité par le Dr Sébastien Durand et le Pr Wassim Raffoul à intervenir au Centre hospitalier universitaire de Lausanne (CHUV) à l’occasion d’un symposium sur la main.
Honorés de l’intérêt de la recherche médicale pour le projet bionicohand, nous avons profité de notre séjour pour visiter le Musée de la main, rencontrer Jean-François Lucas, sociologue à l’Ecole Polytechnique de Lausanne et Benoit Mariani, co-fondateur de la startup Gait Up.

Le Musée de la main

Nous connaissions l’existence du Musée de la main à Lausanne, et dès notre arrivée, la veille du symposium, nous nous sommes empressés d’aller le visiter.

Ce musée a été créé à l’initiative de Claude Verdan (1909-2006) pionnier de la chirurgie de la main en Suisse. Egalement passionné d’art, il a constitué tout au long de sa vie, une collection de peintures, objets, outils et écrits en relation avec la main.

Nous fûmes déçus d’apprendre qu’en réalité cette collection n’était pas visible au public lors de notre venue, car le Musée de la main est aujourd’hui un espace dédié aux expositions temporaires d’actualité scientifique et socio-culturelle.

Nous nous sommes consolés dans l’étonnante boutique du Musée en consultant les livres sur le thème de la main.

Cover livre La main morte

La main morte – Renaître après un accident. Monique de Beaucorps, L’Harmattan, 2015.

Rencontres et découvertes

Vendredi 3 mars, avant de rejoindre le symposium au CHUV de Lausanne, nous avons rencontré Jean-François Lucas, sociologue à l’EPFL (Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne). Spécialiste des Villes et Mondes Virtuels, Jean-François Lucas conçoit également de nouvelles méthodes de recherche et de travail.

Grâce à lui, nous avons pu découvrir le campus universitaire de l’EPFL et visité le nouveau bâtiment ArtLab conçu par l’architecte japonais Kengo Kuma (waouh!). Lieu de convergence entre arts et sciences, ce centre innovant abrite 2 expositions que nous avons visitées – trop rapidement malheureusement : “Datasquare” et“Outrenoir” consacrée au peintre Pierre Soulages.

Puis nous avons déjeuné avec Benoit Mariani ingénieur et co-fondateur de la start-up Gait Up.
Cette jeune entreprise a développé un dispositif munis de capteurs de mouvement qui permet d’analyser la démarche d’une personne. Ce système se fixe à la chaussure et trouve des applications en sport et en santé. Il est déjà employé pour prévenir les risques de chute des personnes âgées.

Le symposium du Centre de la main

Ce symposium a été lancé à l’initiative du Professeur Wassim Raffoul, chef du Service de chirurgie plastique et de la main (Centre de la main) du CHUV de Lausanne et du Docteur Sébastien Durand. Il avait pour but de réunir des spécialistes, chercheurs et cliniciens, autour de la question :

« Réhabilitation de la main : de l’amputation à la lésion centrale.
Peut-on rêver à de nouvelles solutions ? »

Les intervenants venus de France et de Suisse furent nombreux : Wassim Raoul, Sébastien Durand, Thierry Christen, Laurent Wehrli, Dan Popovici et Lee Ann Laurent-Applegate du Centre de la main du CHUV de Lausanne, Karin Diserens du laboratoire de neuro-rééducation (LNRA) du CHUV de Lausanne, Marie-Christine Ho Ba Tho de l’unité de recherche en Biomécanique et Bioingénierie de l’Université de technologie de Compiègne (UTC), Manfredo Atzori de la Haute Ecole de Spécialisée de Suisse Occidentale (HES-SO), David Guiraud et Christine Azevedo du Laboratoire d’Informatique, de Robotique et de Microélectronique de Montpellier (LIRMM), François Luthi de la Clinique Romande de réadaptation (CRR) et Nicolas Huchet de My Human Kit !

La richesse du programme de ce symposium résidait dans le croisement d’approches et de solutions. Les problématiques cliniques, le développement de prothèses de main “bio-inspirées”, les travaux de recherche dans le cadre de lésions de la moelle épinière ou cérébrales impliquant la perte de l’usage des membres supérieurs, ainsi que la prise en compte de l’expérience de patients nous ont permis d’avoir une vision large des derniers travaux scientifiques et médicaux sur la main.

Difficile de restituer tout ce que nous avons appris en si peu de temps, mais voici quelques informations qui nous ont parues importantes de diffuser :

– Problématique dans les amputations : greffe ou prothèse ?

Dans les amputations de la main, l’alternative des prothèses est l’allogreffe de main, provenant d’un sujet de la même espèce biologique en état de mort cérébrale.
Réalisée dans les amputations bilatérales (des deux mains), cette solution est néanmoins non-justifiée dans les amputations unilatérales en raison des risques de complication liés aux immunosuppresseurs.
Concernant les amputations mineures de doigts, les techniques de reconstructions du pouce à partir d’orteil par exemple, donnent des résultats satisfaisants “bien que l’on puisse espérer aujourd’hui d’autres solutions, grâce aux nouvelles technologies” nous a expliqué le Dr Sébastien Durand.

Plus tard, nous avons évoqué des solutions alternatives existantes comme l’X-Finger développé par Didrick Medical Inc, ou le Knick Finger d’Enable.

– Les chiffres des amputations du membre supérieur en Europe

A partir des données provenant de la population des Etats-Unis, on estime qu’il y aurait près d’un million d’amputés du membre supérieur en Europe, dont 90 % atteints d’une amputation mineure. Or, le taux de rejet des prothèses serait de près de 50 % car celles-ci sont souvent lourdes à porter, difficilement maniables et peu esthétiques.
Il est donc important de développer et de proposer de nouvelles solutions aux patients en prenant en compte leurs problématiques.

– La prothèse a une histoire ancienne

Dan Popovici a expliqué qu’il existait des prothèses depuis l’Antiquité comme cette prothèse d’orteil retrouvée sur une momie en 800 avant JC. Cette prothèse fonctionnelle réalisée en bois et en cuir, montre bien que “réparer” c’est-à-dire “redonner au corps son état originel” est un fantasme de longue date.
Dan Popovici nous a également parlé de la prothèse de bras n° 3819 du Musée Stibbert de Florence. Datant du XVIe siècle, cette prothèse en fer a été calquée sur le modèle de la fabrication des armures. Elle pesait donc très lourd ! Plus tard, ce modèle fût ajouré pour rendre la prothèse plus légère.

prothese de bras numero 3819 musee Stibbert de Florence

Prothèse de bras n°3819 datant du XVIe. Musée Stibbert, Florence (CC0)

– Innover grâce à la Bio-inspiration (bio-mimétisme)

Parce qu’on ne fait pas mieux que la nature”, les chercheurs s’intéressent de plus en plus à la Bio-inspiration qui consiste à se servir du vivant comme modèle, à le copier pour innover.
Cela se traduit dans le champ de la prothèse de main bionique par des développements qui tendent à imiter la main naturelle sur les plans morphologique, mécanique et de son contrôle.

– Le concept d’embodiment

François Luthi a rappelé qu’une amputation doit se lire selon une perspective biopsychosociale prenant en compte différents paramètres propres à chaque patient.
A travers le concept d’embodiment qui se traduit littéralement par “l’incorporation de la prothèse par le patient”, François Luthi a insisté sur le fait qu’une amputation et une prothèse relèvent de l’image corporelle du patient.
D’après les recherches de C. Murray et E. Schaffalitzky, il y a des facteurs qui facilitent cette acceptation de la prothèse tels que la précocité de l’appareillage, l’implication du patient dans le choix de sa prothèse, la facilitation d’utilisation, l’esthétique et la fonctionnalité.

L’intervention de Nicolas Huchet

C’est en tant que patient que Nicolas est venu s’exprimer sur le sujet. Face à un public d’étudiants, de médecins et chercheurs, il a détaillé avec recul, la période correspondant à son amputation en avril 2002 jusqu’à sa sortie, 2 mois plus tard, du centre de rééducation qui l’a accueilli. Vous trouverez un article complet à ce sujet en cliquant sur ce lien.

Il en a profité pour parler de ses contributions en tant qu’amputé à la Johns Hopkins University et au BioRobotics Institute de Pise et a précisé qu’il était intéressé pour continuer à faire avancer la recherche médicale en participant à d’autres projets de recherche sur le membre supérieur.
Cela tombait à pic puisque certains chercheurs présents, au symposium recherchaient justement des patients pour de nouveaux projets.

Nicolas a également fait une démonstration de la prothèse bionique Exiii imprimée en 3D et présenté d’autres projets de My Human Kit ainsi que le Humanlab en expliquant qu’une personne handicapée impliquée dans la fabrication de son aide technique est toujours plus motivée.

Croisement des compétences

Le public de chercheurs et médecins a fait preuve d’intérêt et d’ouverture d’esprit quant aux projets de Nicolas Huchet et de My Human Kit. Nous rejoignons Sébastien Durand Wassim Raoul pour dire que la complémentarité et le croisement des compétences ne seront que plus bénéfiques pour les patients.

Comparés aux travaux de recherches présentés ce jour-là, les projets de My Human kit comportent un aspect « prototypage DIY » certes moins évolué, mais en complément des recherches exposées, ils proposent aux personnes handicapées d’agir sur elles-mêmes.

Nous sommes heureux d’avoir rencontré ces acteurs de la recherche médicale qui représentent un soutien et une expertise dont nous avons besoin face aux très nombreuses personnes qui nous contactent dans l’espoir d’une solution.
Désormais, nous pouvons nous adresser à des spécialistes du plexus brachial ou de la greffe !
En contrepartie, notre approche “makers”, nos réseaux et notre veille permanente représentent également des pistes et des ressources pour des professionnels de la santé.

Nous remercions toutes les personnes qui nous ont accueillis, et avec lesquelles nous avons pu échanger durant ce séjour. Nous sommes avons quitté Lausanne, avec plein d’idées, de nouvelles opportunités de collaboration, des conseils, des références et de l’enthousiasme !